Re: Pour que les voitures anciennes puissent circuler à Pari
Posté : 11 mars 2016, 10:08
Ce qui se fera à ce sujet à Paris se fera dans d'autres régions de France et d'Europe et ça vous concernera tous tôt ou tard. Imaginer que ce n'est qu'un problème de parisiens est naïf et ça occulte aux yeux de certains les vraies raisons de se mobiliser contre ces dispositions: elles ne reposent sur aucune étude, les chiffres disponibles montrent qu'elles n'auront pas d'effet tangible sur la pollution, elles sont arbitraires et discriminatoires.
L'avis d'un pro des chiffres du marché de l'automobile:
Comment se porte le diesel, chronique de Bertrand Rakoto, analyste marché automobile et spécialiste en veille concurrentielle et stratégie produit.
À chaque fois que le sujet du diesel est évoqué, on a l’impression de se porter au chevet d’un malade. Dans le même temps, la question de la bonne santé du diesel est récurrente. Les raisons de cette actualité permanente sont nombreuses. En premier, l'affaire Volkswagen n’en finit pas de durer. On apprend cette semaine que le patron de Volkswagen of America, Michael Horn, quitte son poste. Suite à cette affaire, les tests réalisés à la demande du Ministère de l’environnement semblent se poursuivre bien que les résultats seront totalement inexploitables pour des questions de protocole et de qualité des modèles choisis (état, entretien, etc.).
Après plusieurs décennies à promouvoir technologiquement et fiscalement des motorisations diesel, les gouvernants veulent maintenant les éradiquer. Mais les méthodes employées tiennent plus du nettoyage sans discernement que d’une politique environnementale et sociale. Le point de vue de Carlos Tavares est assez juste : "[Anne Hidalgo] nous dit qu’elle voudrait se débarrasser de l’énergie fossile, mais je pense que le vrai problème, c’est qu’elle a envie de se débarrasser des voitures à Paris (…) Moi, je n’ai rien contre, mais il suffit de nous afficher clairement la couleur". Si la cible doit se concentrer sur les véhicules diesel antérieurs à la généralisation des filtres à particule, la mise hors circulation doit être progressive, juste et apporter des solutions alternatives. La décision d’interdire la circulation aux véhicules d’avant 1997 s’oppose aux principes de respect et d’accompagnement des administrés exposés, dans ce cas les moins aisés et les plus vulnérables socialement. Les transports en commun sont déjà saturés et la qualité de l’air dans le métro et le RER est inquiétante. Mais pour y avoir accès il faut que les banlieusards qui se rendent dans Paris pour travailler puissent déposer leur véhicule dans des parkings relais, une proposition quasi inexistante aujourd’hui.
En plus d’être contreproductive d’un point de vue économique et électoral, cette mesure ne répond à aucune problématique environnementale. Elle revient à vouloir tuer une mouche avec un marteau. Premièrement, un certain nombre de véhicules antérieurs à 1997 respectent la norme Euro 2 (les véhicules essence n’émettent pas de particules). Deuxièmement, les estimations des parcs roulants touchés sont mal cernées. Je l’ai déjà écrit, le SIV ne permet pas de connaître le parc en circulation et la plupart des chiffres existants ne sont que des extrapolations, y compris l’estimation qui évalue à moins de 10% des véhicules antérieurs à 1997 circulant quotidiennement dans Paris. Cette faible proportion de véhicules associée au fait que l’automobile individuelle est minoritaire en termes de polluants selon les publications du Citepa et d’AirParif tendent à prouver que la réduction des émissions réalisée serait alors négligeable. Il semble que l’on soit sur le point d’atteindre le point Godwin du dogme anti-voiture alors que l’industrie automobile reste le premier employeur privé de France.
Dans ce contexte peu favorable pour le diesel, les immatriculations baissent. Mais ce déclin est autant dirigé que subi par les constructeurs. Premièrement, les coûts de dépollution des plus petits moteurs sont devenus trop importants sous l’effet du durcissement des normes d’homologation. Par conséquent, les constructeurs éliminent peu à peu les plus petites motorisations de leur gamme et orientent les clients vers des motorisations essence de plus en plus souvent downsizées. Deuxièmement, le marché Français est en pleine mutation et 2015 constitue un tournant important. Pour des questions essentiellement fiscales, les flottes sont restées majoritairement tournées vers les motorisations diesel, mais la demande des particuliers s’est tournée de façon importante vers les motorisations essence (53% des immatriculations en 2015). L’offre diesel est de plus en plus restreinte dans les segments les deux plus petits (A et B) alors qu’ils ont représenté plus de 56% des parts de marché chez les particuliers. La demande se dirige naturellement vers des véhicules essence.
Par ailleurs, si l’incertitude fiscale contraint la demande, le prix des carburants à la pompe et l’offre essence downsizée permet également de séduire une clientèle plus nombreuse pour les motorisations à essence. Mais si la conquête est importante (45,7% de clients venant d’autres motorisations à l’achat neuf), la fidélité à l’essence est la plus forte puisque dans 87,1% des cas, les Français qui revendent un modèle à essence pour acheter un véhicule neuf restent avec le même type de motorisation. Une fidélité qui passe à 60,4% pour les acheteurs qui remplacent un modèle hybride ou électrique et 55,6% pour ceux qui remplacent un modèle diesel.
Le contraste est surtout visible du fait d’une plus faible attractivité du diesel. La conquête dépasse à peine 10% des achats neufs et dans 89,6% des cas, un acheteur de modèle diesel en possédait un auparavant. Cette tendance à de fortes chances de s’accentuer dans les années à venir avec le durcissement des normes et une moins bonne rentabilité des motorisations diesel du fait de systèmes de dépollution de plus en plus coûteux. Les constructeurs proposent de plus en plus de motorisations essence 3 cylindres suralimentées ou non sur les modèles de segment A, B et C. Sur les segments supérieurs et chez les marques de luxe, l’attrait du diesel reste important du fait d’une meilleure rentabilité à l’usage (consommation en retrait et moins de sensibilité au poids des véhicules) et d’une plus forte acceptation des surcoûts liés aux systèmes de pièges à NOx et de SCR.
Le marché français est de moins en moins dominé par le diesel. La diversification de l’offre en motorisations essence et l’orientation du marché vers des modèles plus petits provoquent une accélération de la baisse de la demande pour les motorisations diesel chez les particuliers. Ce mouvement va se poursuivre sans pour autant éradiquer les véhicules fonctionnant au gazole. En effet, le diesel a réalisé de vrais progrès et les motorisations actuelles semblent apporter suffisamment de qualités pour conserver à moyen et long termes une clientèle toujours nombreuse. Nous sommes au milieu d’une longue période de transition pour laquelle les pouvoirs publics doivent proposer des mesures d’accompagnement et adopter une attitude plus apaisée, moins brutale et moins dogmatique puisque l’immédiateté est malheureusement plus à l’idéologie qu’à la santé publique ou la préservation de l’emploi.
Bertrand Rakoto
http://www.autoactu.com/comment-se-port ... esel.shtml
L'avis d'un pro des chiffres du marché de l'automobile:
Comment se porte le diesel, chronique de Bertrand Rakoto, analyste marché automobile et spécialiste en veille concurrentielle et stratégie produit.
À chaque fois que le sujet du diesel est évoqué, on a l’impression de se porter au chevet d’un malade. Dans le même temps, la question de la bonne santé du diesel est récurrente. Les raisons de cette actualité permanente sont nombreuses. En premier, l'affaire Volkswagen n’en finit pas de durer. On apprend cette semaine que le patron de Volkswagen of America, Michael Horn, quitte son poste. Suite à cette affaire, les tests réalisés à la demande du Ministère de l’environnement semblent se poursuivre bien que les résultats seront totalement inexploitables pour des questions de protocole et de qualité des modèles choisis (état, entretien, etc.).
Après plusieurs décennies à promouvoir technologiquement et fiscalement des motorisations diesel, les gouvernants veulent maintenant les éradiquer. Mais les méthodes employées tiennent plus du nettoyage sans discernement que d’une politique environnementale et sociale. Le point de vue de Carlos Tavares est assez juste : "[Anne Hidalgo] nous dit qu’elle voudrait se débarrasser de l’énergie fossile, mais je pense que le vrai problème, c’est qu’elle a envie de se débarrasser des voitures à Paris (…) Moi, je n’ai rien contre, mais il suffit de nous afficher clairement la couleur". Si la cible doit se concentrer sur les véhicules diesel antérieurs à la généralisation des filtres à particule, la mise hors circulation doit être progressive, juste et apporter des solutions alternatives. La décision d’interdire la circulation aux véhicules d’avant 1997 s’oppose aux principes de respect et d’accompagnement des administrés exposés, dans ce cas les moins aisés et les plus vulnérables socialement. Les transports en commun sont déjà saturés et la qualité de l’air dans le métro et le RER est inquiétante. Mais pour y avoir accès il faut que les banlieusards qui se rendent dans Paris pour travailler puissent déposer leur véhicule dans des parkings relais, une proposition quasi inexistante aujourd’hui.
En plus d’être contreproductive d’un point de vue économique et électoral, cette mesure ne répond à aucune problématique environnementale. Elle revient à vouloir tuer une mouche avec un marteau. Premièrement, un certain nombre de véhicules antérieurs à 1997 respectent la norme Euro 2 (les véhicules essence n’émettent pas de particules). Deuxièmement, les estimations des parcs roulants touchés sont mal cernées. Je l’ai déjà écrit, le SIV ne permet pas de connaître le parc en circulation et la plupart des chiffres existants ne sont que des extrapolations, y compris l’estimation qui évalue à moins de 10% des véhicules antérieurs à 1997 circulant quotidiennement dans Paris. Cette faible proportion de véhicules associée au fait que l’automobile individuelle est minoritaire en termes de polluants selon les publications du Citepa et d’AirParif tendent à prouver que la réduction des émissions réalisée serait alors négligeable. Il semble que l’on soit sur le point d’atteindre le point Godwin du dogme anti-voiture alors que l’industrie automobile reste le premier employeur privé de France.
Dans ce contexte peu favorable pour le diesel, les immatriculations baissent. Mais ce déclin est autant dirigé que subi par les constructeurs. Premièrement, les coûts de dépollution des plus petits moteurs sont devenus trop importants sous l’effet du durcissement des normes d’homologation. Par conséquent, les constructeurs éliminent peu à peu les plus petites motorisations de leur gamme et orientent les clients vers des motorisations essence de plus en plus souvent downsizées. Deuxièmement, le marché Français est en pleine mutation et 2015 constitue un tournant important. Pour des questions essentiellement fiscales, les flottes sont restées majoritairement tournées vers les motorisations diesel, mais la demande des particuliers s’est tournée de façon importante vers les motorisations essence (53% des immatriculations en 2015). L’offre diesel est de plus en plus restreinte dans les segments les deux plus petits (A et B) alors qu’ils ont représenté plus de 56% des parts de marché chez les particuliers. La demande se dirige naturellement vers des véhicules essence.
Par ailleurs, si l’incertitude fiscale contraint la demande, le prix des carburants à la pompe et l’offre essence downsizée permet également de séduire une clientèle plus nombreuse pour les motorisations à essence. Mais si la conquête est importante (45,7% de clients venant d’autres motorisations à l’achat neuf), la fidélité à l’essence est la plus forte puisque dans 87,1% des cas, les Français qui revendent un modèle à essence pour acheter un véhicule neuf restent avec le même type de motorisation. Une fidélité qui passe à 60,4% pour les acheteurs qui remplacent un modèle hybride ou électrique et 55,6% pour ceux qui remplacent un modèle diesel.
Le contraste est surtout visible du fait d’une plus faible attractivité du diesel. La conquête dépasse à peine 10% des achats neufs et dans 89,6% des cas, un acheteur de modèle diesel en possédait un auparavant. Cette tendance à de fortes chances de s’accentuer dans les années à venir avec le durcissement des normes et une moins bonne rentabilité des motorisations diesel du fait de systèmes de dépollution de plus en plus coûteux. Les constructeurs proposent de plus en plus de motorisations essence 3 cylindres suralimentées ou non sur les modèles de segment A, B et C. Sur les segments supérieurs et chez les marques de luxe, l’attrait du diesel reste important du fait d’une meilleure rentabilité à l’usage (consommation en retrait et moins de sensibilité au poids des véhicules) et d’une plus forte acceptation des surcoûts liés aux systèmes de pièges à NOx et de SCR.
Le marché français est de moins en moins dominé par le diesel. La diversification de l’offre en motorisations essence et l’orientation du marché vers des modèles plus petits provoquent une accélération de la baisse de la demande pour les motorisations diesel chez les particuliers. Ce mouvement va se poursuivre sans pour autant éradiquer les véhicules fonctionnant au gazole. En effet, le diesel a réalisé de vrais progrès et les motorisations actuelles semblent apporter suffisamment de qualités pour conserver à moyen et long termes une clientèle toujours nombreuse. Nous sommes au milieu d’une longue période de transition pour laquelle les pouvoirs publics doivent proposer des mesures d’accompagnement et adopter une attitude plus apaisée, moins brutale et moins dogmatique puisque l’immédiateté est malheureusement plus à l’idéologie qu’à la santé publique ou la préservation de l’emploi.
Bertrand Rakoto
http://www.autoactu.com/comment-se-port ... esel.shtml